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Si la photographie capte historiquement le réel, les photographes peuvent de plus en plus s’en passer, au profit de leur écran et des mondes virtuels. L’essor de la photographie virtuelle pose alors la question des limites et de la définition de l’art photographique. Décryptage.

Google Earth : data-photos du monde

Clément Valla fait le tour du monde en photographies… via Google Earth. Il explore et déniche les interprétations étranges des algorithmes de Google. Il appelle ces curiosités des « cartes postales Google ».

styled-image « Google Earth est une base de données déguisée en une représentation photographique du monde » Clément Valla pour Rhizomes

La pratique de Clément Valla se rapproche plus du travail de l’archiviste que du photographe auteur. Il capture des lieux et moments particuliers, mais ces dernières ne sont pas des hasards, seulement le résultat logique de calculs, voués à perdurer tant que les algorithmes de Google demeureront perfectibles.

Mais si Google Earth permet de voir la Terre depuis le ciel, la représentation du monde qui en découle est trop limitée pour rivaliser avec les possibilités offertes par le réel. C’est plutôt du côté du jeu vidéo que l’on trouve les meilleurs simulacres.

GTA V : un territoire de jeu infini pour la photographie virtuelle

GTA V, le jeu vidéo aussi incontournable que polémique, ne se contente pas d’avoir un graphisme hyperréaliste. Il propose un univers complet et immersif, suffisamment riche et diversifié pour contenter les photographes-gamers, toutes pratiques confondues ! À tel point qu’un site internet est dédié à la photographie dans le jeu vidéo. Comme dans la vraie vie, les pratiques sont diverses : street photographie, paysage, etc.

styled-image Photographie virtuelle de rue par Fernando Pereira Gomes, issu de sa série « Procedural Generation »

Le jeu vidéo offre une liberté quasi totale. C’est un pur terrain d’exploration, qui va au-delà du jeu lui-même : il donne la possibilité au photographe d’exprimer son univers personnel, avec les moyens qu’il n’aurait pas à disposition dans le monde réel.

styled-image Dans sa série “Farwest”, Jophan imite la technique de la double exposition en combinant photographies anodines et images issues de GTA IV. Le résultat crée le doute sur ce qu’il donne à voir et semble évoquer des souvenirs fantasmés.

Le champ des possibles ne s’arrête pas là, puisque désormais le jeu met aussi à disposition Rockstar Editor, un logiciel vidéo qui permet au joueur de devenir un réalisateur omniscient. Les créations sont généralement des films d’actions à l’instar des scénarios proposés par le jeu vidéo. Jophan utilise cet outil pour créer des clips vidéos artistiques.

Crossroad of Realities : l’absence de frontières entre réel et virtuel

styled-image La série « Crossroad of Realities » de Benoît Paille est une mise en abyme photographique, qui consiste en des montages entre paysages de GTA V et prises de vues studio.

Benoît Paille ne se contente pas seulement de brouiller les pistes à la perfection, il transpose sa pratique de photographe au sein même du jeu. Avant les prises de vue, il explore les recoins de GTA V et effectue un long travail de repérage. Il surveille la météo et attend le bon moment de la journée pour obtenir la lumière parfaite.

Il utilise enfin son appareil photo (bien réel celui-là), placé en face de l’écran afin de capturer des instants uniques, imprévus (un éclair dans le ciel, un camion qui passe, un personnage dans le cadre, etc.) et qui méritent d’être immortalisés. Ensuite, il fait une prise de vue studio d’un modèle prenant en photographie l’image tirée du jeu vidéo. Pour que la fusion s’opère, il imite la lumière du jeu vidéo avec exactitude.

Finalement, le virtuel n’imite pas seulement le réel. Il le conditionne.